vendredi 18 juillet 2008

Perdre une bataille...puis la guerre

La descente aux Enfers

La chute a débuté le jour où mon employeur, acculé à la faillite, a dû accepter de se vendre à vil prix à un concurrent. Depuis lors, elle n'a fait que s'accélérer. Les branches auxquelles j'ai tenté de me rattraper se sont toutes dérobées. Une à une. Presque mécaniquement. A chaque fois que j'avais le sentiment d'en saisir le feuillage, elles ployaient sous mon poids et rompaient. A la différence de la "Jeune fille qui tombe...tombe" de Dino Buzzati, je sais que cette chute vertigineuse s'achèvera sur le sol, dans une gerbe de sang.

Orphée et Eurydice

Parfois, je me surprends à rêver qu'une main invisible me montrera la sortie. J'attends qu'Orphée guide mes pas hors du précipice et ne se retourne pas en chemin. Je caresse l'espoir douloureux qu'une forme de bonté absolue se porte à mon secours et m'entraine vers d'autres cieux. Ô Puissance thaumaturge ! Puisses-tu soulager mes souffrances et me donner une seconde chance !

Rechute et fin

Le sol, froid et dur, grandit chaque seconde et m'aspire comme un trou noir. Point d'Orphée ni de Tout-Puissant. L'Angoisse paralyse mes sens et plante son drapeau noir dans mon cerveau engourdi. C'est la fin tragique d'un homme déchu, seul et sans espoir.

mercredi 18 juin 2008

Un tien vaut mieux que deux, tu l'auras !

La morale de la fable "Le petit poisson et le pêcheur" est on ne peut plus claire : il faut parfois se contenter de ce qu'on a face au risque de tout perdre. En matière de pêche comme dans la vie, il est difficile de ne pas viser la plus haute marche lorsqu'elle semble à portée. C'est en ces termes que se pose le choix que je dois faire dans les prochaines semaines.

Deux voies s'offrent à moi :
- une route nationale dégagée qui quelques kilomètres plus loin devient une petite route de campagne ;
- un chemin étroit, dont je n'ai pas encore trouvé le départ mais qui pourrait déboucher sur une autoroute.
Vaut-il mieux choisir la route nationale ou continuer de faire du surplace dans l'espoir de trouver ce chemin, certes périlleux, mais qui pourrait m'ouvrir de nouveaux horizons ? Ou bien, est-il envisageable d'opter pour la route nationale avec l'espoir de plus tard rejoindre l'autoroute ?

La Fontaine répond qu'il faut choisir la route nationale, voie médiane entre le Capitole et la roche tarpéienne. Ce choix raisonné est toutefois difficile à accepter pour celui qui vient de faire une sortie de (l'auto)route et qui, après une courte période de convalescence, entend déjà le vrombissement du trafic.

La stratégie optimale peut alors consister à maintenir ouvert, par précaution, l'accès à la route nationale afin de se laisser un maximum de chances pour découvrir ce chemin sinueux mais prometteur.

dimanche 8 juin 2008

Things didn't turn out how I expected!

Future is never what you expect

When I resigned from a low-pay high-security job in the banking industry to move into the dealing room of an American investment bank almost two years ago, I wasn't expecting things to turn out so bad so fast: having been made redundant a couple of weeks ago, I look back at the series of choices I made during those two years:
- wrong underlying asset class, bank and team;
- right qualification and function.

The question that I need to address now is whether or not I should try to stay within the investment banking field. Several answers are possible:

Scenario 1: The financial industry's outlook improves from 2010 onwards.

Volumes and activity in structured products eventually pick up after a tough period (2008-2009) for the banks' balance sheets and their employees.
The challenge is then to remain within the industry in a front office position and to learn as much as possible to gain some deal-making skills and/or some technical/trading skills. When bullish markets return, I get rewarded for being patient and get some managerial responsibilities.

Scenario 2: The market for structured products never fully recovers from the 2007-2009 crisis

The financial community realises that structured products are too complex to manage and don't bring much added value to customers. Investment and commercial banks revert to vanilla pay-offs. Technical profiles with engineering degrees or PhDs in maths are shunned in favor of people with business school backgrounds.
The question is then either to exit the market for structured products or to move into a more business-oriented position. Taking up a role in a strategic consulting/audit firm allows me to stay close to the financial sector while broadening my skills and contacts.

A compromise between both scenarios would be to move back to a controlling role within the financial industry so as to keep in touch with the fast-moving environment of investment banks while not bearing the risk of losing my job again because of a poor timing.

Darwin's theory of evolution: are you a prey or a predator?

There are a few facts that still remain valid as we navigate through the current financial crisis:
- demand for financial services, whether it be from an ageing population in OECD states or from booming economies in emerging countries, will remain strong in the next decades;
- the financial industry will undergo several business revolutions in terms of products, services and organizational practises, as well as various crises that will keep reshaping the landscape of financial services firms - today's leaders will not be tomorrow's.
Seen from today, the only challenge is then to shape a career that builds on those drastic changes rather than riding against them.

mercredi 21 novembre 2007

Stefan Zweig

On acclame souvent Stefan Zweig pour l'éclectisme de son oeuvre littéraire : recueils de nouvelles, pièces de théâtre, biographies, romans. On lui reproche parfois son côté "dandy" et intellectuel, qui l'aurait conduit à préférer l'exil au combat pendant les deux guerres mondiales. On insiste plus rarement sur le génie de son écriture, sensible, introspective et troublante de lucidité.

Stefan Zweig possède le don de révéler la profondeur de l'âme humaine en quelques mots. Il offre au lecteur les clés d'un monde intérieur, subjectif et poétique mais tellement universel. On souffre à la place de cette grande bourgeoise murée dans la peur que son époux ne découvre son adultère, on tremble avec le pickpocket qui n'a d'autre choix pour survivre que de voler, on pleure le bouquiniste Mandel, si extravagant et pourtant tombé dans l'oubli, on éprouve l'injustice dont est victime le collectionneur aveugle et dépossédé de ses estampes inestimables, on effleure la folie du joueur d'échecs prisonnier de son échiquier, on ressent la vulnérabilité de ce médecin expatrié qui se réfugie sur le paquebot du retour vers l'Europe, on est embarassé par la confusion des sentiments qui agitent le jeune étudiant devant son professeur.

La fulgurance des images et des correspondances, la finesse de l'analyse des sentiments, l'épaisseur psychologique des personnages dans la plus courte de ses nouvelles, placent Stefan Zweig aux avant-postes littéraires du siècle dernier.

jeudi 15 novembre 2007

Le pickpocket

Une foule dense lèche les vitrines d'un grand magasin parisien. Les automates y sont installés depuis hier seulement, et déjà des familles entières défilent devant ces jouets au charme suranné qui rappellent aux parents leur jeunesse et aux enfants le grenier de leurs grands-parents. On pouffe, on s'esclaffe, on sourit d'un oeil détaché, on surveille ses enfants, on est captivé par les mouvements préconditionnés de marionnettes qui paraissent animées.

Emprunté, maladroit, chétif, un homme au pardessus élimé se laisse porter par ce flot de spectateurs en translation, pour mieux s'en extraire quelques mètres plus loin et gagner les marches d'un escalier sur lesquelles il s'accorde quelques instants de répis. D'un oeil distant mais sûr, il toise les passants qui présentent la moindre ouverture dans leur habillement: une veste mal boutonnée, un cabas à demi-refermé, un sac à main tenu trop en retrait.

Ce talent de physionomiste n'est pas tout. Comme une lionne qui attendrait le moment propice pour fondre sur sa proie, notre homme doit encore récolter toutes sortes d'informations qui l'aideront à estimer ses chances de succès : la victime est-elle en train de téléphoner ? Est-elle affairée au point de découvrir sa garde ? Une collision malencontreuse lui ferait-elle perdre ses esprits ou au contraire les retrouver ? Au risque que l'occasion disparaisse aussi vite qu'elle ne s'est présentée, le pickpocket doit en une fraction de seconde planifier puis exécuter son offensive, ou au contraire remiser son dessein à plus tard sous peine d'être découvert.

C'est seulement après de longues heures d'observation que notre homme saisira l'instant décisif pour exprimer son talent. Après avoir soigneusement choisie sa victime selon l'ardeur qu'elle montre à suivre les gestes des automates, il la bousculera par mégarde et profitera de sa confusion pour faufiler sa main sous le revers de sa veste et y chercher un portefeuille, un stylo-plume, un billet. Oui, le savoir-faire du pickpocket est un art qui allie la dextérité du prestidigitateur à l'instinct du grand fauve.

mercredi 14 novembre 2007

Londres et Paris - suite

C’est après une première expérience professionnelle passée à parcourir le réseau international d’une banque française puis une formation complémentaire en mathématiques financières que j’ai décidé de poser mes valises outre-manche. Mais pourquoi Londres plutôt que Paris ? Les raisons sont essentiellement professionnelles : la capitale britannique a su exploiter son statut de première place financière en Europe et profiter mieux que Paris de l’essor récent des métiers liés à la finance de marché.

De nombreuses banques sont friandes des qualités techniques développées par les ingénieurs français et se reposent en partie sur eux pour concevoir de nouveaux produits dérivés puis en gérer les risques, au point de faire de Londres un véritable « hub » mondial pour certaines de leurs activités de marchés de capitaux (crédits, matières premières, change,…). Je travaille aujourd’hui à Londres pour une raison simple : mon métier n’existe pas à Paris !

Pourtant, les clichés sur l’Angleterre se portent à merveille : un climat humide, des métros sans cesse en panne, une tradition culinaire plus que douteuse, des prix vertigineux. Mais tous ces désagréments passent au second plan dans une ville jeune et cosmopolite, où l’on oublie vite les origines de chacun. Et puis, on finit par s’attacher à ce peuple voisin qui passe son temps dans les files d’attente quand il n’est pas occupé à s’excuser ou à jouer de la litote ! La raison m’a poussé vers Londres et le cœur à y rester.

mardi 6 novembre 2007

Poulailler et salle de marchés

Les opérateurs de salle de marchés sont un peu comme les poules au poulailler. Alignés en rangs d'oignons, ils se nourissent de plus-values et de commissions tandis que les volailles se gavent de grain pour engraisser le plus vite possible. Car l'avenir est compté, au poulailler comme en salle de marchés : les uns sont condamnés par les plus jeunes aussi sûrement que les autres finiront rôties ou grillées.

samedi 3 novembre 2007

Linéarités et ruptures

"La vie n'est pas un long fleuve tranquille, Maman." Sur le ton de la trivialité, Maurice Le Quesnoy cerne en une phrase le paradoxe de la vie : rythmée par le temps qui s'écoule constamment, elle est aussi faite de ruptures, de changements radicaux qui réorientent son cours. Comment s'accomoder de cette dualité ?

Une vie sans piment, sans divertissement, conduit à l'ennui et au desespoir. Une vie instable et sans repères mène à l'isolement et à la ruine de soi. Menacés par ces choix extrêmes, les hommes semblent osciller entre ces deux maux. En effet, nous sommes tous en prise aux linéarités et aux ruptures de la vie : linéarité de la croissance ou de la scolarité, rupture devant la mort d'un proche ou la naissance d'un enfant. Confort d'un travail répétitif et encadré, incertitude du lendemain après un licenciement. Enracinement affectif et rupture amoureuse. En un mot, nous vivons de régularités et de singularités.

Il faut identifier dans nos vies les invariants sur lesquels s'appuyer pour affronter les mutations. Pouvoir renoncer à la satisfaction éphémère que procurent les biens matériels. Cultiver le jardin secret de ses sentiments d'amour, de générosité et d'optimisme pour garder le cap dans la tempête. Ne pas juger ou se comparer à autrui selon une échelle de valeurs mercantiles, mais plutôt conserver de solides amitiés qui survivent au changement.

lundi 29 octobre 2007

Du hasard et de la chance

En ces temps de visibilité réduite sur les marchés financiers, les banques d'investissement commencent à soigner leur gueule de bois en lançant leurs traditionnels licenciements de fin d'année avec un peu d'avance. Il est peu d'industries où le statut de la main d'oeuvre soit aussi volatile que l'industrie financière: portée aux nues en période de boom, elle est "remerciée" sans autre forme de gratitude lorsque les nuages s'accumulent.

La tyrannie du grand actionnariat rivé sur ces 15% de rentabilité des fonds propres fait que les soubresauts cycliques des marchés ne sont pas absorbés par le compte de pertes et profits, mais bien par des armées de salariés jetés en pâture aux investisseurs avides de résultats immédiats. L'ironie du sort, c'est que l'épargne de ces salariés alimente souvent des fonds communs de placement qui investissent dans leur entreprise et la pousse à licencier pour assurer un rendement conforme à leurs critères.

Les choix sont d'autant plus arbitraires que les salariés concernées sont peu expérimentés. Comment faire la part entre deux jeunes diplômés après seulement quelques mois ? Reste à voir le licenciement comme un tremplin inattendu pour se lancer dans une nouvelle aventure : oser se remettre en question, prendre à nouveau des risques, en un mot vivre !

mardi 16 octobre 2007

Trois fois rien

Lorsqu'on a la moral dans les chaussettes, on se raccroche souvent aux petits riens qui mis bout-à-bout deviennent quelquechose. Le soleil rasant qui anime les feuillages jaunis par l'automne. Un sourire adressé dans le métro.

Les jours passent et le coeur s'affermit. Les pulsions de désespoir s'évanouissent. Le germe perce enfin la terre et goûte la chaleur diffuse du soleil. La plante installe ses racines et déploie ses ailes.

Des rêves doux et impossibles bercent ma nuit. Une mésange murmure à mon oreille. Les feuilles crénelées des chènes ondoient sous le vent du soir. Les bois regorgent de bruits étranges. La reine de la nuit se dresse sur une branche fléchie.

lundi 15 octobre 2007

Le crépuscule des Dieux

La chute de la Wahalla annonce un monde nouveau où les hommes prendront le pouvoir sur leurs superstitutions. Mais Wagner ne précise pas la nature de ce pouvoir. Il se borne à dégager la voie sur laquelle les hommes libérés du fatum s'aventureront désormais seuls. Est-ce un monde apaisé et solidaire qui s'annonce ? Ou est-ce un monde belliqueux et partisan ?

Les complots qui dressent les hommes les uns contre les autres, les mensonges qui trompent Siegfried et finissent par le condamner, les duels qui sanctionnent la vanité des hommes : autant d'épisodes qui soulignent leur incapacité à vivre ensemble. Instrumentalisés par les Dieux, mais parfois aussi animés de leur propre volonté, les hommes montrent leur appétit de puissance et de domination. L'Amour de Siegfried et Brünnehilde s'incline devant la haine de Hagen, l'amour de Siegmund et Sieglinde périt sous la lance de Hünding.

L'anneau n'a fait que révéler les démons malfaisants de l'homme qui se languit de renverser les Anciens et s'emparer de leur pouvoir. Cette lutte pour la puissance s'accomode mal de l'Amour, entre lesquelles l'Homme doit choisir. La disparition de l'anneau dans les profondeurs du Rhin ne scelle pas la libération de l'Homme, elle ne fait que suspendre cette question pour un temps : peut-être faut-il y voir cet élan de création destructrice qui agite les hommes de façon sporadique avant de s'estomper pour resurgir plus sûrement par la suite.

Relativisme et Optimisme

Relativisme de ses petits malheurs devant les maux dont souffre l'humanité. Optimisme de l'Homme qui apprivoise et protège son environnement.

Relativisme des déconvenues individuelles devant le destin tragique de peuples tout entiers. Optimisme des gens qui aident leur prochain.

Relativisme de l'égoïsme face à la fraternité des hommes qui affrontent la mort. Optimisme des médecins qui guérissent de plus en plus de maladies.

Relativisme des remous quotidiens devant la force du courant de la Vie. Optimisme d'un monde qui change en bien.

jeudi 11 octobre 2007

Le risque

Qu'est-ce que le risque ? Selon nos grands argentiers, "l'économie américaine court le risque de rentrer en récession dans les prochains mois". D'autres risquent leur vie pour celle d'autrui. Certains enfin risquent leurs économies en bourse, attirés par l'appat du gain. Mais que risque-ton au juste en faisant tout celà ? Le risque est-il une bonne ou une mauvaise chose ?

Le risque est une réalité future plausible qui motive nos actes présents. Il s'invite dans toutes les décisions, accompagne tous nos actes sauf peut être une séance d'écriture automatique de nouveaux écrivains, justifie les plus grandes avancées comme les pires heures de notre Histoire. Il est la traduction présente des intérêts de chacun, qui parfois divergent, s'additionnent ou s'annulent. Nous avons tous une approche bien personnelle du risque : chacun déforme son futur plausible selon sa propre grille de lecture pour en déduire un comportement présent.

Certaines personnes adoptent-elles des comportements irrationels face à lui ? Comment expliquer sinon la quète de l'aventure extrême que se livrent les Himalayistes, le comportement insensé d'Africains ayant des rapports non-protégés ? Le dépassement de soi et la jouissance de l'instant présent valent-ils de mettre sa vie en danger ? L'élève poète dans le "Cercle des poètes Disparus" préfère le ciel à la vie, la poésie de l'instant qui dure à la misère d'un futur lointain. La valeur que nous accordons au présent et au futur semble être une donnée si personnelle qu'elle justifie tout jusqu'à la mort.

Le risque n'est qu'une embûche sur le chemin de l'accomplissement de soi, fût-ce au prix d'une mort certaine. Les kamikazes s'écrasant sur les bâtiments alliés, les terroristes qui commettent des attentats dans l'espoir d'atteindre au statut de martyr, tous aspirent à une Cause qui les dépassent. La plénitude de l'instant, l'espoir d'un monde meilleur (ou d'une rentabilité supérieure), autant de motifs qui déclenchent ces décharges d'adrénaline et poussent les hommes à se dépasser. Vous-y risquerez-vous ?

mercredi 10 octobre 2007

La loi des séries

Vous n'avez jamais remarqué que les succès comme les échecs se promènent souvent en bande ? Il suffit de tomber sur un seul spécimen appaté par le fumet du hasard pour que ses congénères se ruent sur leur pitance. On vogue alors de succès en succès puis le navire prend l'eau et l'on enfile les déconvenues aussi sûrement qu'un homme d'affaires les miles Air France.

Loi des séries, queues épaisses, black swans, chaque société possède ses termes pour décrire le même phénomène : quand la machine s'enraille, les raretés deviennent lieux communs et la fortune change de mains. Sommes-nous faibles au point d'y voir une fatalité ? Ou bien réalisons-nous nos désirs, voulus ou refoulés, par anticipation ?

Un jour, on vous adresse les plus sincères compliments, on vous fait plus beau que vous n'êtes vraiment. Le lendemain, on vous mène à la roche tarpéienne pour avoir commis toutes les abominations dont, pourtant, vous pensiez la veille être exempt. Le succès comme l'échec ne sont que des vues de notre esprit égoïste qui ne retient du monde que les soubresauts dirigés à son encontre. L'Homme sait pourtant qu'une vérité en-deça des Pyrennées peut être erreur au-delà : auréolé de ses récents succès, un tel n'envisagera que le bon heur à venir, tandis que tel autre, vidé par ses échecs, n'y verra que malheur.

Faible et corrompu par ses sens, l'Homme ne peut s'abstraire de ses émotions pour voir que le chemin de la vie n'est tracé sur aucune tablette.

lundi 8 octobre 2007

Der Ring des Nibelungen

Quand on parle de Wagner, on s'aperçoit vite que la plupart des gens n'y connaissent rien soit parce qu'ils n'ont jamais eu le privilège d'assister à un de ses opéras, soit parce qu'ils n'en retiennent que les contresens colportés sous le IIIème Reich.

L'histoire du Ring est l'histoire de la Vie : elle met en scène l'ascension puis la chute des Dieux pour mieux cerner la faillibilité de l'Homme. Bercé par l'illusion qu'il pourrait libérer le monde de ses contraintes, Wotan s'est emparé de l'Anneau dans Das Rheingold et caresse l'idée de marier ensemble ses deux enfants mortels Siegmund et Sieglinde, mais démasqué par son épouse, renonce à cette liberté incestueuse et tue Siegmund. La malédiction du Ring est en marche.

Siegfried s'empare à son tour de l'anneau et brise la lance de Wotan, symbole de son pouvoir absolu, avant lui-même de se retrouver prisonnier d'un sort qui le condamne à être parjuré et mourir. Il comprend alors la puissance destructrice de l'Anneau qui a conduit au Götterdämmerung voulu par Wotan lui-même. Les Dieux périssent dans l'incendie du bûcher de Siegfried qui a gagné leur demeure, la Walhalla. Un monde nouveau peut renaître sur ses cendres.

La puissance symbolique des métaphores qui émaillent la tétralogie conduit à une réflexion étonnante sur l'Homme : nourri de ses contradictions entre l'Amour et le Pouvoir, la mythologie des Anciens et la tabula rasa des Modernes, son ambition personnelle et sa fin tragique, l'Homme se cherche mais l'emporte finalement sur le Royaume des Dieux pour reconstruire un ordre nouveau.

dimanche 7 octobre 2007

Toujours et jamais

A l'âge adulte, on devient tous prisonniers du grand bocal. Pas moyen d'en sortir, les issues sont bloquées, le verre trop épais pour se briser. On voit bien ce qui se passe dehors pourtant, comme à la Géode. Mais on sait qu'on ne pourra jamais s'en échapper.

L'absurdité de la condition humaine se résume à ça : on a beau être doté d'une conscience réflexive qui devrait nous libérer de nos racines animales, on arrive toujours à la même conclusion : la misère de l'Homme qui sait qu'il va mourir. Que faire alors ? S'en remetttre à Dieu et prier ? Déja fait, déjà décrit, et peu efficace. Se morfondre, suivre le compte à rebours et se cogner tous les jours contre le bocal ?

Evidemment non. Parfois, on arrive à s'extirper de cette fuite insensée. C'est très rare, mais d'autant plus intense que c'est inattendu. La pêche juteuse que croque Camus de retour à Oran dans "Noces", le bouton de rose fannée qui tombe sur la table de la cuisine chez Paloma dans "L'Elegance du Hérisson", les vers que Stefan Zweig compose dans sa jeunesse autrichienne et qu'il raconte dans son autobiographie "Le Monde d'Hier", la passion du jeu qui dévore Clappique dans la "Condition Humaine" de Malraux et l'arrache ce faisant à la réalité incertaine de la Chine de Chang-Kaï-Shek...Autant d'histoires qui, loin d'être anecdotiques, permettent à l'Homme de s'affranchir du Temps pour savourer un instant d'éternité dans une vie éphémère.

Saisir le "toujours" dans le "jamais", croque le présent avant qu'il ne devienne passé, oublier le lendemain et profiter du jour, là sont les seules issues qui peuvent nous sauver de notre fin.

De la mondialisation au China White

Une bouteille de vin australien pour accompagner France-Nouvelle-Zélande : £ 12
Une course en taxi pour aller fêter la victoire des Français en boîte : £ 11
Une entrée au China White sur guest list : £ 20
Une tournée de verres et quelques shots : £ 50
Une grasse matinée et un doliprane pour survivre aux séquelles du bruit et de l'alcool : priceless

La seconde jeunesse de l'industrie financière, entamée dans les années 90, tient à la conjonction de plusieurs facteurs :
- la maîtrise des nouvelles technologies de l'information qui s'appuient sur la révolution informatique des années 70-80 : l'information circule désormais de façon instantanée et à un coût négligeable à travers le globe ;
- un mouvement sans précédent de globalisation économique qui favorise les échanges commerciaux et monétaires, notamment avec les pays émergents d'Asie : ces derniers entretiennent un dynamisme économique qui profite directement et indirectement aux pôles de la Triade (Europe, Etats-Unis, Japon).
- des découvertes scientifiques cruciales en théorie des probabilités depuis le début du XXème siècle qui ont permis à Black & Scholes de proposer une formule de pricing et de réplication d'options financières en 1973 ;
- le vieillissement de la population des pays développés en Europe, au Japon et dans une moindre mesure aux Etats-Unis, qui soutient la demande en produits financiers : les retraites de millions de baby-boomers sont placées sur les marchés financiers.

Seules quelques villes (et leurs habitants) ont réussi à capter la rente qui accompagne l'essor de l'industrie financière : Londres, New-York, Tokyo, Hong Kong, et dans une moindre mesure Francfort, Paris ou Singapour. Leur succès s'appuie sur :
- une forte tradition commerçante qui trouve son aboutissement dans l'existence de marchés de capitaux liquides (Hong-Kong, Londres, Singapour) ;
- un statut de capitale économique et politique qui draine richesses nationales et sièges sociaux (New-York, Tokyo, Londres, Paris) ;
- une main d'oeuvre qualifiée abondante, formée aux technologies de l'information, familière avec les concepts mathématiques liés aux marchés financiers et polyglotte (Londres, Hong-Kong, Singapour, New-York).

Londres a su exploiter son statut de première place financière européenne pour faire jouer cet "effet de grappe" ("cluster") et attirer une force de travail jeune, formée et dynamique : parmi elle, les Français ont su tirer leur épingle du jeu et mettre en avant la qualité de leurs filières scientifiques.

Donc je me retrouve samedi soir dans l'appartement cossu d'un ami français pour regarder le match de rugby France - Nouvelle-Zélande. Que la France ait fini par l'emporter est anecdotique. L'intérêt de la soirée résidait évidemment dans les déambulations d'une jeunesse dorée, mais déboussolée. Enivrée par la victoire, un groupe d'amis et de collègues a décidé de se rendre dans un des hauts-lieux de la nuit londonienne : le China White.

L'exotisme des lieux - un sous-sol habillé de toiles orientales qui fait plus penser à l'idée que nous avons d'un bar à opium chinois que réellement à la Chine - contraste avec l'éclectisme de ses chalands : le samedi soir, la jeunesse londonienne (par adoption) bouge son corps et imbibe d'alcool ses connections neuronales pour oublier qu'elle vient de passer la semaine alignée en rang d'oignons, assise au milieu de poulaillers climatisés : une bonne moitié des poules pondeuses travaille, ironie du nom, sur les lieux où d'autres volatiles tarnsitaient voilà quelques dizaines d'années (litéralement "Canary Wharf").

samedi 6 octobre 2007

Porté sur les fonts-baptismaux,
Mon blog a vu le jour ce soir,
Pour éclairer les animaux,
Qui vivent seuls et sans espoir.