dimanche 7 octobre 2007

Toujours et jamais

A l'âge adulte, on devient tous prisonniers du grand bocal. Pas moyen d'en sortir, les issues sont bloquées, le verre trop épais pour se briser. On voit bien ce qui se passe dehors pourtant, comme à la Géode. Mais on sait qu'on ne pourra jamais s'en échapper.

L'absurdité de la condition humaine se résume à ça : on a beau être doté d'une conscience réflexive qui devrait nous libérer de nos racines animales, on arrive toujours à la même conclusion : la misère de l'Homme qui sait qu'il va mourir. Que faire alors ? S'en remetttre à Dieu et prier ? Déja fait, déjà décrit, et peu efficace. Se morfondre, suivre le compte à rebours et se cogner tous les jours contre le bocal ?

Evidemment non. Parfois, on arrive à s'extirper de cette fuite insensée. C'est très rare, mais d'autant plus intense que c'est inattendu. La pêche juteuse que croque Camus de retour à Oran dans "Noces", le bouton de rose fannée qui tombe sur la table de la cuisine chez Paloma dans "L'Elegance du Hérisson", les vers que Stefan Zweig compose dans sa jeunesse autrichienne et qu'il raconte dans son autobiographie "Le Monde d'Hier", la passion du jeu qui dévore Clappique dans la "Condition Humaine" de Malraux et l'arrache ce faisant à la réalité incertaine de la Chine de Chang-Kaï-Shek...Autant d'histoires qui, loin d'être anecdotiques, permettent à l'Homme de s'affranchir du Temps pour savourer un instant d'éternité dans une vie éphémère.

Saisir le "toujours" dans le "jamais", croque le présent avant qu'il ne devienne passé, oublier le lendemain et profiter du jour, là sont les seules issues qui peuvent nous sauver de notre fin.

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