lundi 29 octobre 2007

Du hasard et de la chance

En ces temps de visibilité réduite sur les marchés financiers, les banques d'investissement commencent à soigner leur gueule de bois en lançant leurs traditionnels licenciements de fin d'année avec un peu d'avance. Il est peu d'industries où le statut de la main d'oeuvre soit aussi volatile que l'industrie financière: portée aux nues en période de boom, elle est "remerciée" sans autre forme de gratitude lorsque les nuages s'accumulent.

La tyrannie du grand actionnariat rivé sur ces 15% de rentabilité des fonds propres fait que les soubresauts cycliques des marchés ne sont pas absorbés par le compte de pertes et profits, mais bien par des armées de salariés jetés en pâture aux investisseurs avides de résultats immédiats. L'ironie du sort, c'est que l'épargne de ces salariés alimente souvent des fonds communs de placement qui investissent dans leur entreprise et la pousse à licencier pour assurer un rendement conforme à leurs critères.

Les choix sont d'autant plus arbitraires que les salariés concernées sont peu expérimentés. Comment faire la part entre deux jeunes diplômés après seulement quelques mois ? Reste à voir le licenciement comme un tremplin inattendu pour se lancer dans une nouvelle aventure : oser se remettre en question, prendre à nouveau des risques, en un mot vivre !

mardi 16 octobre 2007

Trois fois rien

Lorsqu'on a la moral dans les chaussettes, on se raccroche souvent aux petits riens qui mis bout-à-bout deviennent quelquechose. Le soleil rasant qui anime les feuillages jaunis par l'automne. Un sourire adressé dans le métro.

Les jours passent et le coeur s'affermit. Les pulsions de désespoir s'évanouissent. Le germe perce enfin la terre et goûte la chaleur diffuse du soleil. La plante installe ses racines et déploie ses ailes.

Des rêves doux et impossibles bercent ma nuit. Une mésange murmure à mon oreille. Les feuilles crénelées des chènes ondoient sous le vent du soir. Les bois regorgent de bruits étranges. La reine de la nuit se dresse sur une branche fléchie.

lundi 15 octobre 2007

Le crépuscule des Dieux

La chute de la Wahalla annonce un monde nouveau où les hommes prendront le pouvoir sur leurs superstitutions. Mais Wagner ne précise pas la nature de ce pouvoir. Il se borne à dégager la voie sur laquelle les hommes libérés du fatum s'aventureront désormais seuls. Est-ce un monde apaisé et solidaire qui s'annonce ? Ou est-ce un monde belliqueux et partisan ?

Les complots qui dressent les hommes les uns contre les autres, les mensonges qui trompent Siegfried et finissent par le condamner, les duels qui sanctionnent la vanité des hommes : autant d'épisodes qui soulignent leur incapacité à vivre ensemble. Instrumentalisés par les Dieux, mais parfois aussi animés de leur propre volonté, les hommes montrent leur appétit de puissance et de domination. L'Amour de Siegfried et Brünnehilde s'incline devant la haine de Hagen, l'amour de Siegmund et Sieglinde périt sous la lance de Hünding.

L'anneau n'a fait que révéler les démons malfaisants de l'homme qui se languit de renverser les Anciens et s'emparer de leur pouvoir. Cette lutte pour la puissance s'accomode mal de l'Amour, entre lesquelles l'Homme doit choisir. La disparition de l'anneau dans les profondeurs du Rhin ne scelle pas la libération de l'Homme, elle ne fait que suspendre cette question pour un temps : peut-être faut-il y voir cet élan de création destructrice qui agite les hommes de façon sporadique avant de s'estomper pour resurgir plus sûrement par la suite.

Relativisme et Optimisme

Relativisme de ses petits malheurs devant les maux dont souffre l'humanité. Optimisme de l'Homme qui apprivoise et protège son environnement.

Relativisme des déconvenues individuelles devant le destin tragique de peuples tout entiers. Optimisme des gens qui aident leur prochain.

Relativisme de l'égoïsme face à la fraternité des hommes qui affrontent la mort. Optimisme des médecins qui guérissent de plus en plus de maladies.

Relativisme des remous quotidiens devant la force du courant de la Vie. Optimisme d'un monde qui change en bien.

jeudi 11 octobre 2007

Le risque

Qu'est-ce que le risque ? Selon nos grands argentiers, "l'économie américaine court le risque de rentrer en récession dans les prochains mois". D'autres risquent leur vie pour celle d'autrui. Certains enfin risquent leurs économies en bourse, attirés par l'appat du gain. Mais que risque-ton au juste en faisant tout celà ? Le risque est-il une bonne ou une mauvaise chose ?

Le risque est une réalité future plausible qui motive nos actes présents. Il s'invite dans toutes les décisions, accompagne tous nos actes sauf peut être une séance d'écriture automatique de nouveaux écrivains, justifie les plus grandes avancées comme les pires heures de notre Histoire. Il est la traduction présente des intérêts de chacun, qui parfois divergent, s'additionnent ou s'annulent. Nous avons tous une approche bien personnelle du risque : chacun déforme son futur plausible selon sa propre grille de lecture pour en déduire un comportement présent.

Certaines personnes adoptent-elles des comportements irrationels face à lui ? Comment expliquer sinon la quète de l'aventure extrême que se livrent les Himalayistes, le comportement insensé d'Africains ayant des rapports non-protégés ? Le dépassement de soi et la jouissance de l'instant présent valent-ils de mettre sa vie en danger ? L'élève poète dans le "Cercle des poètes Disparus" préfère le ciel à la vie, la poésie de l'instant qui dure à la misère d'un futur lointain. La valeur que nous accordons au présent et au futur semble être une donnée si personnelle qu'elle justifie tout jusqu'à la mort.

Le risque n'est qu'une embûche sur le chemin de l'accomplissement de soi, fût-ce au prix d'une mort certaine. Les kamikazes s'écrasant sur les bâtiments alliés, les terroristes qui commettent des attentats dans l'espoir d'atteindre au statut de martyr, tous aspirent à une Cause qui les dépassent. La plénitude de l'instant, l'espoir d'un monde meilleur (ou d'une rentabilité supérieure), autant de motifs qui déclenchent ces décharges d'adrénaline et poussent les hommes à se dépasser. Vous-y risquerez-vous ?

mercredi 10 octobre 2007

La loi des séries

Vous n'avez jamais remarqué que les succès comme les échecs se promènent souvent en bande ? Il suffit de tomber sur un seul spécimen appaté par le fumet du hasard pour que ses congénères se ruent sur leur pitance. On vogue alors de succès en succès puis le navire prend l'eau et l'on enfile les déconvenues aussi sûrement qu'un homme d'affaires les miles Air France.

Loi des séries, queues épaisses, black swans, chaque société possède ses termes pour décrire le même phénomène : quand la machine s'enraille, les raretés deviennent lieux communs et la fortune change de mains. Sommes-nous faibles au point d'y voir une fatalité ? Ou bien réalisons-nous nos désirs, voulus ou refoulés, par anticipation ?

Un jour, on vous adresse les plus sincères compliments, on vous fait plus beau que vous n'êtes vraiment. Le lendemain, on vous mène à la roche tarpéienne pour avoir commis toutes les abominations dont, pourtant, vous pensiez la veille être exempt. Le succès comme l'échec ne sont que des vues de notre esprit égoïste qui ne retient du monde que les soubresauts dirigés à son encontre. L'Homme sait pourtant qu'une vérité en-deça des Pyrennées peut être erreur au-delà : auréolé de ses récents succès, un tel n'envisagera que le bon heur à venir, tandis que tel autre, vidé par ses échecs, n'y verra que malheur.

Faible et corrompu par ses sens, l'Homme ne peut s'abstraire de ses émotions pour voir que le chemin de la vie n'est tracé sur aucune tablette.

lundi 8 octobre 2007

Der Ring des Nibelungen

Quand on parle de Wagner, on s'aperçoit vite que la plupart des gens n'y connaissent rien soit parce qu'ils n'ont jamais eu le privilège d'assister à un de ses opéras, soit parce qu'ils n'en retiennent que les contresens colportés sous le IIIème Reich.

L'histoire du Ring est l'histoire de la Vie : elle met en scène l'ascension puis la chute des Dieux pour mieux cerner la faillibilité de l'Homme. Bercé par l'illusion qu'il pourrait libérer le monde de ses contraintes, Wotan s'est emparé de l'Anneau dans Das Rheingold et caresse l'idée de marier ensemble ses deux enfants mortels Siegmund et Sieglinde, mais démasqué par son épouse, renonce à cette liberté incestueuse et tue Siegmund. La malédiction du Ring est en marche.

Siegfried s'empare à son tour de l'anneau et brise la lance de Wotan, symbole de son pouvoir absolu, avant lui-même de se retrouver prisonnier d'un sort qui le condamne à être parjuré et mourir. Il comprend alors la puissance destructrice de l'Anneau qui a conduit au Götterdämmerung voulu par Wotan lui-même. Les Dieux périssent dans l'incendie du bûcher de Siegfried qui a gagné leur demeure, la Walhalla. Un monde nouveau peut renaître sur ses cendres.

La puissance symbolique des métaphores qui émaillent la tétralogie conduit à une réflexion étonnante sur l'Homme : nourri de ses contradictions entre l'Amour et le Pouvoir, la mythologie des Anciens et la tabula rasa des Modernes, son ambition personnelle et sa fin tragique, l'Homme se cherche mais l'emporte finalement sur le Royaume des Dieux pour reconstruire un ordre nouveau.

dimanche 7 octobre 2007

Toujours et jamais

A l'âge adulte, on devient tous prisonniers du grand bocal. Pas moyen d'en sortir, les issues sont bloquées, le verre trop épais pour se briser. On voit bien ce qui se passe dehors pourtant, comme à la Géode. Mais on sait qu'on ne pourra jamais s'en échapper.

L'absurdité de la condition humaine se résume à ça : on a beau être doté d'une conscience réflexive qui devrait nous libérer de nos racines animales, on arrive toujours à la même conclusion : la misère de l'Homme qui sait qu'il va mourir. Que faire alors ? S'en remetttre à Dieu et prier ? Déja fait, déjà décrit, et peu efficace. Se morfondre, suivre le compte à rebours et se cogner tous les jours contre le bocal ?

Evidemment non. Parfois, on arrive à s'extirper de cette fuite insensée. C'est très rare, mais d'autant plus intense que c'est inattendu. La pêche juteuse que croque Camus de retour à Oran dans "Noces", le bouton de rose fannée qui tombe sur la table de la cuisine chez Paloma dans "L'Elegance du Hérisson", les vers que Stefan Zweig compose dans sa jeunesse autrichienne et qu'il raconte dans son autobiographie "Le Monde d'Hier", la passion du jeu qui dévore Clappique dans la "Condition Humaine" de Malraux et l'arrache ce faisant à la réalité incertaine de la Chine de Chang-Kaï-Shek...Autant d'histoires qui, loin d'être anecdotiques, permettent à l'Homme de s'affranchir du Temps pour savourer un instant d'éternité dans une vie éphémère.

Saisir le "toujours" dans le "jamais", croque le présent avant qu'il ne devienne passé, oublier le lendemain et profiter du jour, là sont les seules issues qui peuvent nous sauver de notre fin.

De la mondialisation au China White

Une bouteille de vin australien pour accompagner France-Nouvelle-Zélande : £ 12
Une course en taxi pour aller fêter la victoire des Français en boîte : £ 11
Une entrée au China White sur guest list : £ 20
Une tournée de verres et quelques shots : £ 50
Une grasse matinée et un doliprane pour survivre aux séquelles du bruit et de l'alcool : priceless

La seconde jeunesse de l'industrie financière, entamée dans les années 90, tient à la conjonction de plusieurs facteurs :
- la maîtrise des nouvelles technologies de l'information qui s'appuient sur la révolution informatique des années 70-80 : l'information circule désormais de façon instantanée et à un coût négligeable à travers le globe ;
- un mouvement sans précédent de globalisation économique qui favorise les échanges commerciaux et monétaires, notamment avec les pays émergents d'Asie : ces derniers entretiennent un dynamisme économique qui profite directement et indirectement aux pôles de la Triade (Europe, Etats-Unis, Japon).
- des découvertes scientifiques cruciales en théorie des probabilités depuis le début du XXème siècle qui ont permis à Black & Scholes de proposer une formule de pricing et de réplication d'options financières en 1973 ;
- le vieillissement de la population des pays développés en Europe, au Japon et dans une moindre mesure aux Etats-Unis, qui soutient la demande en produits financiers : les retraites de millions de baby-boomers sont placées sur les marchés financiers.

Seules quelques villes (et leurs habitants) ont réussi à capter la rente qui accompagne l'essor de l'industrie financière : Londres, New-York, Tokyo, Hong Kong, et dans une moindre mesure Francfort, Paris ou Singapour. Leur succès s'appuie sur :
- une forte tradition commerçante qui trouve son aboutissement dans l'existence de marchés de capitaux liquides (Hong-Kong, Londres, Singapour) ;
- un statut de capitale économique et politique qui draine richesses nationales et sièges sociaux (New-York, Tokyo, Londres, Paris) ;
- une main d'oeuvre qualifiée abondante, formée aux technologies de l'information, familière avec les concepts mathématiques liés aux marchés financiers et polyglotte (Londres, Hong-Kong, Singapour, New-York).

Londres a su exploiter son statut de première place financière européenne pour faire jouer cet "effet de grappe" ("cluster") et attirer une force de travail jeune, formée et dynamique : parmi elle, les Français ont su tirer leur épingle du jeu et mettre en avant la qualité de leurs filières scientifiques.

Donc je me retrouve samedi soir dans l'appartement cossu d'un ami français pour regarder le match de rugby France - Nouvelle-Zélande. Que la France ait fini par l'emporter est anecdotique. L'intérêt de la soirée résidait évidemment dans les déambulations d'une jeunesse dorée, mais déboussolée. Enivrée par la victoire, un groupe d'amis et de collègues a décidé de se rendre dans un des hauts-lieux de la nuit londonienne : le China White.

L'exotisme des lieux - un sous-sol habillé de toiles orientales qui fait plus penser à l'idée que nous avons d'un bar à opium chinois que réellement à la Chine - contraste avec l'éclectisme de ses chalands : le samedi soir, la jeunesse londonienne (par adoption) bouge son corps et imbibe d'alcool ses connections neuronales pour oublier qu'elle vient de passer la semaine alignée en rang d'oignons, assise au milieu de poulaillers climatisés : une bonne moitié des poules pondeuses travaille, ironie du nom, sur les lieux où d'autres volatiles tarnsitaient voilà quelques dizaines d'années (litéralement "Canary Wharf").

samedi 6 octobre 2007

Porté sur les fonts-baptismaux,
Mon blog a vu le jour ce soir,
Pour éclairer les animaux,
Qui vivent seuls et sans espoir.